Observer, un cocktail de polar et de SF dans un univers steam punk décadent

Test Observer, une œuvre entre Polar et Science Fiction unique

Alors qu’on attend impatiemment leur prochain survival-horror, Bloober Team, studio polonais déjà à l’origine du très bon Layers of Fear, nous sortait, le 15 aout 2017, Observer. Ce jeu à la croisée des genres, est accessible uniquement en démat’ sur Ps4, one, Switch, et bien sûr Pc.

Cracovie, 2084. Vous incarnez Daniel Lazarski, un neuro-enquêteur, un Observer, qui en suivant les traces de son fils, va devoir enquéter sur une série de meurtres sanglants. Ce point de départ va vous conduire à un périple bien mind-fuck. Préparez-vous à plonger aux confins d’un univers futuriste, sombre et dérangeant, crasseux, poisseux, étouffant, tuméfié, malsain… Bref, tout ce qu’on aime !

Une œuvre très ambitieuse

Les influences sautent immédiatement aux yeux : Blade Runner bien sûr, mais aussi Ghost in the Shell, 1984 (dont la parenté est clairement assumée, vous trouverez des bouquins du roman de Georges Orwell un peu partout dans le jeu).  D’ailleurs, pour revenir à Blade Runner, ce n’est autre que Rutger Hauer (qui joue Roy Batti) qui incarne le personnage principal dans Observer.

L’inspiration de ses pairs est évidente, sur le plan esthétique déjà, mais surtout dans les thèmes abordés, dans les problématiques : espionnage gouvernemental, l’IA et son expansion incontrolable, la société moderne qui se meurt campée chez elle et pluggée aux réseaux. De plus en plus connectée, et de plus en plus seule, de plus en plus malade, à l’agonie. Le décor est planté d’entrée de jeu, Observer va vous asphyxier pendant les dix prochaines heures, et il ne compte pas vous ménager. Vous serez destabilisé, angoissé, surpris, pris aux tripes, et ma foi bien mal à l’aise de bout en bout. On nous place au centre d’une société en déclin, saturée, à bout de souffle et sclérosée. L’Observer, est alors un spectateur,  une victime impuissante de ce qui se déroule… Pas tout à fait. Vous allez trouver un rôle à jouer.

Vous ferez pas mal de rencontres, la plupart par le biais de sortes d’interphones, qui font un peu office de cache misère, mais dont les dialogues et les sujets abordés avec les personnages surprenants de crédibilité ne vous laisseront pas insensibles. C’est fait intelligemment, avec soin. Comme cet ancien champion de boxe, ce robot sexuel laissé seul à la maison, ou encore cette femme amère d’avoir perdu un proche à cause de Chiron. Tous nous semblent bel et bien derrière la porte. Vous aurez souvent le choix des réponses, même si dans les faits, elles ne changeront pas grand chose.

Un univers barré, prenant et immersif

Le ton est donné rapidement, l’omniprésence de Chiron Enterprise nous le rappelle : le monde est devenu confiné, surconnecté, et nul n’échappe aux réseaux. Tout tourne autour de ça, d’ailleurs. Le nécrophage, une sorte de peste numérique, a ravagé une bonne partie de la population, et les répercussions se font encore cruellement ressentir.

Les gens ne sortent quasiment plus, sont vissés à leur écran, une caméra pointée sur eux en permanence. Cela ne semble pas si éloigné de notre propre réalité… En cela, Observer se montre doué de facultés d’anticipation, de visions prémonitoires. C’est un des points sur lequel il va vous marquer, et pour un bon moment : sa résonnance avec notre propre société fait froid dans le dos. Les travers sont mis en exergue, et on ne peux qu’acquiescer, admettre la justesse dont les choses sont abordées, avec une certaine ironie, un implacable sens de l’observation. Observer ne met pas de gants pour nous bousculer, et sa cruelle lucidité, doublée d’une mise en forme franchement inspirée, laisse une empreinte sur le joueur.

Une réalisation soignée

Un coté rétro-futuriste détonnant, où la technologie apparaît à la fois performante et désuète, omniprésente et liberticide.

Les décors sont dans la grande majorité bluffants. De par la direction artistique et la réalisation, des effets de lumières aux textures finement détaillées. Non, vraiment Observer en met plein la vue, et pour peu que vous appréciiez les univers steam-punk glauque, vous serez aux anges comme rarement. Les créateurs de Layers of Fear nous avaient habitués à la qualité dans le visuel et dans la recherche d’authenticité, mais là ils se sont surpassés. On notera pas mal de similitudes entre les deux jeux, de la mise en scène, au sujets (la famille), on sent la patte du studio, passés maître dans la création d’ambiances.

La bande son est extrêmement réussie également. Tout aussi dérangeante que le reste, elle y est pour beaucoup dans l’immersion, et l’atmosphère pesante opère à merveille. Les dialogues, d’une justesse et d’une crédibilité à toute épreuve, nous imprègnent eux aussi minute après minute de la froide pesanteur qui règne dans ce monde lugubre et étouffant. Une bien triste réalité, qui nous plonge dans une tension permanente, un mal être palpable, un désespoir latent. Vous aurez droit aux  sous-titres français, le jeu étant en anglais…

La seule, l’unique petite faiblesse graphique, tellement dérisoire et anecdotique : En quelques rares endroits du jeu (notamment l’escalier central de la résidence), le framerate chute drastiquement pendant quelques secondes, même sur Ps4 Pro. Et cela n’a rien à voir avec la prise de sythozine, que votre personnage est sensé prendre régulièrement, sous forme de pillule, pour se resynchroniser avec son environnement. Au vu du rendu global du jeu, on lui pardonne aisément. On t’aime comme tu es, Observer, tu es belle au naturel !

Une œuvre assez ambitieuse ?

Au niveau gameplay, on est sur quelque chose d’assez contemplatif. Certains joueurs pourraient estimer qu’Observer manque d’intérêt, car atypique et épuré : outre les fonctionnalité d’un FPS classique (se baisser, utiliser), vous avez trois fonctions issues de vos augmentations : la vision IEM, la vision organique, et enfin la vue infrarouge. Celles-ci vont vous permettre de relever des indices laissés sur les scènes de crime. Pas mal d’exploration donc, ponctuée d’énigmes. Enfin, vous pourrez vous connecter aux cerveaux des cadavres, afin de visualiser leurs souvenirs, de visiter leur mémoire et leur psyché. Et croyez-moi, ce pan du jeu est absolument barré. Surtout lorsque vous serez victime d’un hacking…

Niveau collectible, vous aurez toute un collection de portraits photographiques à trouver, dont la plupart sont franchement flippants. La famille Adams au grand complet !

Une partie du jeu se repose sur de l’infiltration. Vous devrez rester caché, et échapper à une entité malfaisante, dont je ne dirais rien de plus… Ces phases sont relativement banales et anecdotiques, sur le plan du gameplay. Car sur le plan narratif, et dans la mise en scène, on reste sur du très lourd ! Et très malaisant…

En arrivant à la fin d’Observer, après une dizaine d’heures tortueuses qui passent finalement très vite, le principal défaut apparaît alors : on aurait attendu plus d’un jeu de cette trempe. Si personnellement, j’aurais pu m’imerger dans ce monde malade une bonne cinquantaine d’heures sans broncher, tant il me touche et me fascine (et tant il est magistralement réalisé), on ne peut que déplorer une fin assez convenue et expéditive. Je parle plus par rapport aux standards et autre oeuvres du genre, que de manière purement objective. Les habitués du genre pourraient être quelque peu déçus par ce petit manque d’originalité. Mais ne voyez pas là une réelle critique, car Observer fait le boulot, du début à la fin, et est finalement assez cohérent et n’a pas grand chose à se reprocher.

Les + Observer

  • Une ambiance absolument bluffante
  • Un univers extrêmement réussi et crédible
  • Bref, une identité très marquée et marquante
  • Des rencontres intenses
  • Les voyages dans la mémoire, dans le cerveau humain
  • Questions abordées passionnantes

Les – Observer

  • Une fin quelque peu convenue
  • Un gameplay finalement basique
  • De très rares ralentissements
  • Des choix souvent illusoires

CONCLUSION OBSERVER :

Une direction artistique sublime et inspirée, une réalisation aux petits oignons. Histoire, dialogues, mise en scène qui font mouche. Les yeux et les oreilles qui en prennent pour leur compte. Non, vraiment, le plus grand regret, pour ma part, c’est qu’Observer n’ait pas été un triple A. Une oeuvre si belle, avec des intentions si nobles, aurait mérité encore plus de soin et d’intérêt (le mec jamais content…). Le lien père-fils, avec en toile de fond de vraies questions abordées, Observer tisse sa toile dès les premières minutes et envoute, tenaille, vous prend au piège dans son ambiance lourde et suffocante, qui restera pour ma part une vraie référence, totalement culte. Alors certes, on y retrouve un gameplay épuré et contemplatif, tout comme Layers of Fear. A mi-chemin entre jeu et film, l’expérience n’en est pas moins intense, mémorable, magistrale. Si vous êtes un temps soit peu sensible à cet univers, et prêt à fermer les yeux sur quelques menus défauts dérisoires, faites vous Observer. Pour la trentaine d’euros qu’il vaut plein pot, il vous laissera une trace indélébile et une sensation, un sentiment d’avoir vécu quelque chose d’unique. Avoir fait un voyage dans le temps et dans l’esprit d’individus. Avoir visité toute l’étendu du savoir humain, avoir été matérialisé dans un réseau… Ca vaut quand même bien trente billets, non ?

Test réalisé par Edchap