Rencontre avec kiddam pour la sortie du EP « 5 », du rap contestataire pour faire bouger le peuple

1 / Pour les internautes qui te découvre, pourrais-tu nous retracer brièvement ton parcours solo ?

J’ai sorti en premier album en 2003 qui s’appelle « Etat des lieux choquant » ensuite en deuxième album en 2009 « La toile de Pénélope ». Entre ces deux albums j’ai sorti « Des choses à dire » qui était une déclinaison du premier album avec plein d’invités, ensuite j’ai sorti « Délepenisons »en 2007, accompagné d’un reportage intitulé « Témoignage d’une escalade » qui traite des discriminations en France. J’ai également sorti « Miscellanées » volume 1 et 2 qui sont des recueils de morceaux que j’ai fait à droite à gauche.

2 / Aujourd’hui tu arrives avec des musiciens et ensemble vous formez le groupe KIDDAM AND THE PEOPLE, comment tout cela est né, peux-tu nous expliquer la rencontre ?

J’avais envie de jouer avec des musiciens façons « The Roots » donc ça c’est fait sur petite annonce, ils cherchaient un rappeur je cherchais des musiciens donc on s’est rencontrés, on a commencé à répéter et puis voilà 5 titres qui viennent d’arriver.

3 / Tu as mis ta carrière de rappeur entre parenthèses quelques années, c’était une volonté pour toi de revenir avec quelque chose de différent et de plus musical que du rap brut ?

C’est pas que j’ai mis ma carrière entre parenthèses c’est que déjà j’avais plus envie de sortir des disques parce que c’est beaucoup de travail pour peu de retours en terme de diffusion et donc avant de vraiment arrêter je voulais jouer avec des musiciens c’est comme ça que c’est fait. Du coup c’est tellement puissant que j’ai pas arrêté.

4 / Votre premier projet s’intitule « 5 », 5 comme le nombre de titres que contient l’EP, 5 parce que vous êtes 5 dans le groupe. Ce 5 a-t-il d’autres significations ?

Cinq c’est aussi pour les cinq branches de l’Étoile qui représente l’unité dans le monde entier. Mais j’ai pas voulu mettre d’étoile sur la pochette pour éviter qu’il y ait une connotation politique trop marquée. Malgré que mon discours soit clair et engagé je veux parler à tout le monde. Si j’ai un sigle à faire tourner c’est pas une étoile mais la tête de bébé qui est sur l’EP, qui veut dire bien plus de choses pour moi.

5 / On dit souvent que certains albums sont taillés pour la scène mais là vous allez encore plus loin, cet EP c’est quasiment du live, c’est du brut, chaque morceau a était enregistré en one shot c’est bien ça ? Pourquoi ce choix, vous vouliez absolument retranscrire ce que vous vivez sur scène ?

Il n’y a aucune machine enregistrée, tous les instruments sont passés derrière le micro et pour ma part la voix a été enregistré en one shot. Il y a très peu de backs et quelques ambiances dans les refrains. Je voulais vraiment que ça ressemble à ce qu’on donne sur scène sans pour autant donner une sonorité live mal enregistrée donc c’est un enregistrement studio ambiance live.

6 / Le titre « état des lieux » est très représentatif de ton rap, tu as d’ailleurs sorti plusieurs projets intitulés « état des lieux choquant » par le passé. Après toutes ces années à faire le constat de notre société, les choses s’arrangent ? Un profond changement est-il sincèrement possible ? Car beaucoup de gens n’y croient plus et baissent les bras se désintéressant de la politique, du vote…

Tout est cyclique. Ça s’arrange d’un côté ça empire de l’autre, ça s’arrange chez les uns ça empire chez les autres. Baisser les bras c’est malheureusement automatique chez ceux qui se sont exprimés. Pour ceux qui ne se sont jamais levés contre rien ça ne change rien. T’as souvent la rage à 20 ans, à 30 ans tu réfléchis et à 40 ans tu arrêtes tout. Sauf quelques résistants jusqu’à la mort. Le désintérêt général pour la politique c’est à cause de l’attentisme, rien ne bouge et les écarts se creusent.

7 / Alors que le titre que nous venons d’évoquer te symbolise toi Kiddam, je trouve que le titre « Avec le peuple » représente bien ton groupe et ta volonté de diffuser ton message à tous, faire partager ton combat à un plus grand nombre. Avec un message qui reste contestataire et contre le pouvoir en place, n’est-il pas difficile pour vous de trouver des salles et des dates pour vous produire ?

Ca a toujours été compliqué pour moi parce que d’une part je fais du rap et d’autre part c’est du rap éveillé, ce qui m’a pas empêché de monter sur la scène du Zénith de Paris et du Bataclan. Mais ce sont des exceptions. Aujourd’hui c’est moins bloqué parce que je suis avec des musiciens. Comme si maintenant je faisais vraiment de la musique ! C’est toujours le même problème avec le hip-hop en France, il paraît que c’est pas de la musique, même si c’est la musique la plus vendue et la plus téléchargée ! Et pour le discours engagé, tant que tu vends pas 100 000 disques ils s’en tapent, t’es pas dangereux.

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8 / Chacun de vos morceaux se terminent dans une explosion musicale que l’on a immédiatement envie de vivre sur scène. Auparavant tu étais seul ou presque sur scène, au mieux un Dj et un backeur , ce changement doit être du pur bonheur pour toi ou ce côté Hip Hop tu manques un peu parfois ?

Pour moi le coté hip-hop c’est de rencontrer le public et me démerder pour faire de la musique avec ce que j’ai. Pour moi ça ne change rien je suis toujours indépendant. Au lieu de me démerder avec un DJ et des vinyles, je me démerde avec des musiciens et des guitares. C’est même encore plus hip-hop car il y a plus d’humains ! Mais au contraire c’est encore plus vivant sur scène et je continue à faire du son sur des faces B donc j’ai pas de problème avec ça et je n’exclus pas d’intégrer un DJ par la suite.

9 / J’ai une préférence toute particulière pour le morceau « tu m’entends pas », le texte est sublimé par le violon de ton musicien Philippe. Tu peux nous parler de ce morceau ?

Le morceau « Tu m’entends pas » c’est la suite logique de mon envie d’arrêter quelques années auparavant. Le texte traite du travail de tous les auteurs qui n’est pas suffisamment diffusé, des signaux d’alarme qu’on ne veut pas écouter. À la fin je dis « tous le troisième doigt en l’air, les sourds ne diront pas qu’ils nous voient pas ». C’est une façon de dire qu’il ne faut pas s’étonner qu’il y ait des révoltes quand le peuple n’est pas écouté.

 

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10 / MAO VS REAL HUMANS, avant tu devais sampler, découper, monter, composer assembler sur Cubase ou autre avec pleins de rectangles colorés ^^ Ce que l’on appelle la MAO. Aujourd’hui tu bosses avec des musiciens, le changement doit être important. Comment passe-t-on de l’un à l’autre et quelle est ta préférence ?

Je kiffe les deux mais il y a une puissance avec les musiciens que tu ne pourras pas égaler avec des machines. La transition a été naturelle car c’est une chose que je voulais faire depuis très longtemps. Ça m’était déjà arrivé de rapper dans la rue avec un guitariste inconnu. La différence avec des musiciens c’est que tu peux jouer deux fois de suite le même morceau, il peut sonner différemment. Il n’y a pas de bouton repeat.

11 / Si on veut vous voir sur scène, on peut vous retrouvez ou prochainement ? Tu as d’autres projets en tête en solo ou avec ton groupe ?

Vu que c’est neuf les dates sont actuellement en négociation mais tout sera disponible sur www.kiddamandthepeople.com . Je viens d’enregistrer un dernier disque avec les machines. Il sortira en fin d’année et s’appelle « Nouveau Départ », sûrement mon dernier disque sous cette forme. Et on est en train de composer l’album Kiddam And The People avec tous les musiciens qui sortira l’année prochaine. Il va falloir être à l’affût pour ne rien rater…