Dreamfall : Chapters, une aventure à la croisée des mondes sur Xbox One et PS4

Le premier épisode de Dreamfall : Chapters est sorti en 2014 sur Pc. Le format épisodique s’est imposé à l’époque, mais la version proposée ici contient bien les six Livres. Si elle aurait d’abord dû sortir en 2015 sur consoles, elle a finalement pris du retard et n’est disponible que depuis le 5 mai 2017, sur PS4 et One. Développé par Red Thread Games, et troisième volet d’une trilogie, (suite directe de Dreamfall : The Longest Journey), ce titre atypique, financé par Kickstarter, détient une solide fan-base, impatiente de découvrir cette version console. Force est de constater d’ailleurs que des différences significatives entre les deux versions existent, notamment dans les chapitres 1 à 3. Cet ultime opus fait-il honneur à ses prédécesseurs ? C’est parti pour un voyage assez unique, entre rêve et…réalité ?

Le début de l'aventure pose le ton d'entrée de jeu : Une ambiance spéciale, entre émerveillement et dure réalité. Zoë devra choisir si elle doit rester endormie, ou bien se réveiller.
Le point de départ de votre histoire, qui plante d’entrée le ton. Onirisme, magie, mystère… Zoë est elle dans son lit ? Debout ? Ou un petit peu des deux ?

Dreamfall Chapters, le test d’un jeu vidéo mémorable

A la croisée des mondes

Dreamfall : Chapters fait partie de ces jeux dont l’identité, plaira immédiatement, ou au contraire déroutera et fera fuir instantanément, tant le mélange des genres/époques/inspirations est particulier et unique. Quant à ceux qui connaissent déjà la saga, ils se réjouiront de la présence de nombreuses vieilles connaissances et de la continuité de l’histoire, même si l’on incarne plus April, l’héroïne de The Longest Journey.

Cette version a subit, en plus d’une refonte visuelle, quelques adaptations, certaines scènes ayant carrément été supprimées. Mais rassurez-vous, vous retrouverez les passages coupés dans les Extras, à la fin du jeu.

Certains personnages sont vraiment particuliers, autant dans leur apparence, que dans leur façon de s’exprimer… Mais cela participe incontestablement à l’ambiance si spéciale de Dreamfall : Chapters.

Une belle histoire, qui sort de l’ordinaire

La belle Zoë Castillo est depuis plusieurs mois dans le coma. Suite aux évènements de Dreamfall : The Longuest Journey, son corps est dans un lit, mais son esprit est lui bloqué ailleurs, dans un espace onirique où se fondent les histoires de chacun. Un espace à mi-chemin entre le monde de la science, Stark, et le monde de la magie : Arcadia ; les deux lieux où vous allez passer le plus de temps.

Vous n’incarnerez pas que Zoë, mais également l’impassible assassin sacré Kian Alvane, entre autres. Ce dernier évolue lui à Arcadia, mais les deux histoires sont parallèles, se font écho, pour finalement se rejoindre… On part souvent dans des univers et des situations inattendues, la surprise et la curiosité étant toujours présentes. La trame est prenante, l’univers un peu barré mais très bien fichu. Il fait partie de ces jeux que l’on finit d’une traite ou presque, tellement on désire en savoir plus dès le début de l’aventure. L’histoire est riche, envoutante, voire même émouvante sur la fin…

Dreamfall : Chapters propose d'incarner Saga, une "franchisseuse", à différents moments de sa vie. Ici, ce n'est encore qu'un bébé, qui doit ruser afin d'échapper à l'oppression (toute relative) de son papa.
Le joueur pourra, au cours d’interludes, contrôler Saga, la troisième plus importante personnage jouable… On peut voir l’aventurière, au premier plan, déjouant les premiers obstacles parentaux…avec malice !

La durée de vie de Dreamfall : Chapters est conséquente, et offre au moins une quinzaine d’heures de jeu, et c’est sans compter bien sûr sur une rejouabilité certaine, grâce aux possibilités de choix qui s’offrent à vous régulièrement, et pas toujours où on les attend d’ailleurs. Un intérêt certain quand on connait la qualité narrative du titre, que les plus curieux se délecteront de découvrir.

Saga, dans la maison familiale, en proie aux questionnements et à une volonté d'indépendance bien légitimes...
Saga adolescente… Son destin est étroitement lié à Zoë et Kian, mais elle ne le sait pas encore..

Un univers captivant, cohérent, séduisant

Si Dreamfall : Chapters, comme ses prédécesseurs, s’articule autour des rêves et se compose de mondes distincts mais pourtant liés, d’autres zones et lieux énigmatiques existent. C’est ce qui fait pour beaucoup la magie de Dreamfall : Chapters ; tout est possible ou presque, on ne sait pas toujours où l’on est ; on ne sait jamais si l’on vit, où si l’on rêve… La mémoire aura également une place importante… ou pas !

La « machine des rêves », sorte de casque VR qui plonge l’utilisateur dans un monde onirique, serait un moyen, pour ceux que l’on appelle les rêveurs, d’aller d’un monde à l’autre. WatiCorp, l’entreprise peu scrupuleuse que les anciens connaissent, à l’origine de ces casques, aura ici encore un rôle important.

Le pouvoir des rêves a de quoi laisser songeur...
Zoë Castillo, notre héroïne, en pleine méditation face au casque de WatiCorp. Doit-elle ou non recéder à l’appel du monde des rêves ?

En arpentant les rues de Stark, la cité cyber-punk, on pense à The Nomad Soul, ou encore à Blade Runner... L’ambiance réussie du contraste entre lumières nocturnes et sombres activités… Crasse, Junkies du rêve et vendeurs peu scrupuleux s’inviteront dans votre périple. L’oppression de forces armées se fait ressentir malgré l’apparente liberté de la population. Les tribulations politiques en toile de fond donnent du corps à l’histoire, et paraissent terriblement authentiques. Du coté d’Arcadia, le monde de la magie, les tribulations politiques vont bon train là aussi, mais cette fois dans une ambiance féodale, où des vestiges de magie subsistent, malgré la ségrégation de ce qu’on appelle les Magiques, cantonnés à être réduits au silence, déportés, persécutés… Une demi-teinte toujours préservée, un manichéisme nuancé qui fait écho à notre propre Histoire sans gants… de manière intelligente et subtile.

A un certain moment de l'aventure, dans la cité cyber-punk, Zoë devra s'accomoder de l'outrecuidance de ce drone, qui s'assurera, toujours pour des raisons de "sécurité", que vous allez bien là où vous dites aller...
Europolis ressemble désespérément à l’idée que l’on peut se faire d’un futur dystopique… Et cela fait froid dans le dos… Le drone à coté de Zoë est sensé s’assurer qu’elle ne « se perdra pas », en rejoignant sa destination…

L’atmosphère est presque suffocante dans Europolis la cité futuriste, en quelque sorte opposée à Arcadia, le monde magique, un poil moins féerique que ce à quoi on aurait pu s’attendre. Toujours sombres, ces deux mondes sont les faces d’une même pièce. Impitoyable dystopie… Parfois féérique, parfois glauque, toujours crédible… Si Dreamfall : Chapters ne réussit pas systématiquement, en tous cas il essaye, et ne se moque pas du joueur. Même si on le sent limité par moment. Sans être vraiment gênant, c’est parfois un soupçon décevant.

Ce parc ne donne-t-il pas envie de flâner ? De s'asseoir dans l'herbe, de marchander quelques bons produits locaux ?
Arcadia est un lieu radicalement différent de Stark, et pourtant… Les deux ont beaucoup plus de liens que l’on pourrait penser.

Dreamfall : Chapters ne manque pas d’humour, et vous sourirez régulièrement de traits d’esprits, ou de certaines situations. Enfin, sachez que prendre le train en marche se fait assez bien, même si Dreamfall : Chapters fait beaucoup écho à ses prédécesseurs. Les personnalités que vous rencontrerez, connues ou non, sont croquées avec humour, bienveillance et justesse, et couplées à la qualité des dialogues et des voix, il faut reconnaitre que l’ensemble est convaincant et se laisse parcourir sans mal. Certains protagonistes sont vraiment attachants et ne manquent pas de charme et de profondeur : Enu la résistante, Crow le volatile bavard, Ferdows, l’ingénieur un peu gland, Bob-qui-voit, l’ancien aveugle « théorique »… Des personnalités très sympathiques, qui modèlent l’expérience avec brio.

Haaa ! Sacré Crow ! Ce corbeau bien connu des fans, vous gratifiera de ses plus belles remarques, tout au long de l'aventure... Une très charmante compagnie !
Crow, le corbeau qui accompagnait déjà April dans The Longest Journey, sera un compagnon fidèle et utile, même s’il est particulièrement bavard, et souvent… en décalage !

Techniquement très convenable

Si on a graphiquement vu plus abouti, la réalisation reste très soignée : les animations sont assez détaillées, les musiques magnifiques. Et ce monde, cet environnement onirique et fantaisiste a quelque chose de très attirant, séduisant. A noter que le jeu tire parti de la Ps4 Pro… et connaît parfois quelques ralentissements, même sur cette dernière. Mais le rendu global reste tout à fait satisfaisant, et n’oublions pas que le moteur d’origine a quelques années.

Vous resterez vraisemblablement bloqués par endroits, les énigmes étant parfois déroutantes. Les puzzles ne sont pas non plus insurmontables, mais c’est souvent à cause d’un level-design vicieux, ou à cause d’un minuscule détail, que vous tournerez en rond. Quand je parle de level-design vicieux, je prendrais l’exemple de ce dessin d’enfant caché SOUS la table, non mais SANS DÉCONNER ?!!?

Immersif, prenant, un jeu qui apaise juste par la richesse et la beauté de son univers, un peu à la manière d’un Torment : Tides of Numenéra (dans un tout autre genre). On y sent cette fraîcheur, cette magie, cette audace, mais surtout cette volonté de bien faire, qui vous font fermer les yeux sur les petits défauts. C’est fait dans l’amour du pixel et de la bonne intrigue bien ficelée ça madame ! Y’a un peu plus, je vous l’emballe ?

Voilà une équipe de choc que rien ne peux arrêter ! Zoë, Crow, et... le rappeur Aketo ?
N’a-t-il pas fière allure, ce noble animal ? Je parle de la monture évidemment, pas de cet oiseau de malheur !

Les voix sont en anglais ou en allemand, mais rassurez-vous, les sous-titres français sont de la partie. D’ailleurs, les conversations et autres monologues sont très convaincants, à tous les niveaux. Quand vous surlignerez telle ou telle réponse avant de la valider, votre personnage se mettra à penser. Se crée du coup un véritable lien entre le joueur et nos héros. On se retrouve « dans » la tête du protagoniste. Une intimité, un lien fort naît de cette astuce ; cela renforce l’implication et l’empathie du joueur. Sans compter que cela permet de renforcer sa conviction, ou au contraire de changer d’avis, avant de se décider. On gagne toujours à réfléchir !

Même de petits actes anodins peuvent avoir de grandes conséquences. C'est ce qui fait la magie et l'intérêt de ce genre de jeu. Ne vous précipitez-pas !
Régulièrement, vous aurez à vous impliquer, à choisir telle ou telle voie. Ne sous-estimez aucun évènement, même anecdotique, car on sait bien qu’un battement d’aile de papillon…Ici, il s’agit de décider si vous prolongez une discussion ou non.

Un gameplay intéressant mais perfectible

Le gameplay de Dreamfall : Chapters repose sur un mélange relativement basique d’aventure à la troisième personne, et de Point & Click. Les déplacements sont volontairement un petit peu lourds, et le curseur se déplace d’un objet à l’autre avec une très légère latence. Vous pouvez observer les différents éléments à distance, mais pour savoir si vous pouvez interagir, vous devrez vous rapprocher de l’objet. Cela impose un rythme de jeu « posey », et vous devrez de toutes façons prendre votre temps, notamment pour fouiller scrupuleusement chaque endroit et ne rien manquer.

De plus, les objectifs sont indiqués sommairement, ce qui vous ne laissera d’autres choix que de chercher par vous même ! Si cela peut faire pester par moment, c’est au final bien plus agréable que de se sentir tenu par la main, avec des flèches ou des repères sur la carte. Mais l’exploration oscille entre satisfaction et frustration pour le coup, et on perd finalement beaucoup de temps pour arriver à ses fins, ou simplement localiser l’objectif. Et même si les environnements visités paraissent assez vastes, on se sent tout de même très dirigé… On reste quelque peu sur sa faim en terme de déambulation en monde ouvert, cet univers étant passionnant riche et varié, on en aurait voulu plus, plus, toujours plus…

Les puzzles semblent pour la plupart très simples, et pourtant... Il s'agît régulièrement de pousser un petit peu la réflexion, ou vous n'avancerez guère ! Les mécaniques sont simplistes, avec un système d'inventaire très classique. Mais c'est efficace et suffisant.
Les énigmes sont relativement basiques, mais ce n’est pas pour cela que vous trouverez immédiatement la solution. C’est parfois tiré par les cheveux, et vous vous perdrez à essayer tout et n’importe quoi, les amoureux du Point&Click voient parfaitement ce dont je parle !

Même si les puzzles sont somme toute assez classiques, et s’appuient sur un système d’inventaire basique, ils parviennent à surprendre, à nous prendre à contre-pieds. Vous devrez en plus de ramasser, d’examiner ou de combiner vos objets, en de rares occasions, figer le temps, ou pénétrer des esprits, ce qui, je vous l’accorde, chie la classe (pas comme cette expression).

L’embarras du choix

Les nombreux choix que vous aurez à faire influeront de manière significative votre aventure. Au cours des nombreux dialogues, ou simplement dans votre façon de jouer. Refuser d’agir, ou aller à l’encontre de ce que l’on attend de vous, peut être la réponse adéquate. A la manière d’un Telltale, vous aurez votre propre cheminement, vos propres embranchements scénaristiques, et cela modifiera « l’Equilibre » (notion dans le jeu qui peut s’apparenter au Karma…). Ne négligez aucun détail dans vos prises de position ! A la fin de chaque Livre, vos décisions vous seront résumées, vous indiquant lesquelles auront ou n’auront pas de conséquences.

L'esthétique de Dreamfall : Chapters à quelque chose d'épuré, de serein... et d'onirique, mais ça, vous aviez deviné !
A la fin de chaque Livre, l’on vous résumera les choix que vous avez fait qui auront un impact sur le déroulement de l’histoire. Et attendez-vous à des surprises ! Ici, l’on nous remémore notre conception de l’essence de l’existence. Rien de moins !

Audacieux, ambitieux et maîtrisé, Dreamfall : Chapters offre une aventure peut être pas tout à fait incontournable, mais que je recommande quand même chaudement pour tous joueurs en quête d’univers atypiques. Cependant, et sans dire que j’ai été déçu par rapport aux trailers, je m’attendais à quelque chose d’encore plus épique personnellement, même si la fin va crescendo et est lourde en révélations et retournements de situations… Sans être décevant, loin de là, Dreamfall : Chapters aurait peut être mérité encore mieux, mais s’en tire déjà très bien.

Les points positifs

  • Un univers beau, onirique, frais
  • La réalisation très convenable
  • Les musiques de qualité
  • Des personnages intéressants
  • Très belle histoire
  • Fait dans le respect des fans
  • prix

Les points négatifs

  • Gameplay parfois frustrant
  • Un moteur de jeu optimisé mais un peu daté.
  • Le framerate se casse la gueule dans les zones les plus animées.
  • Open-world quelque peu étriqué
  • Trop linéaire ?

Conclusion 15/20

Dreamfall : Chapters a plus d’une flèche dans sa manche ! Un univers riche et inspiré, une aventure bien ficelée et des personnages marquants et originaux… Même si tout le monde ne sera pas sensible à toutes ces qualités, Dreamfall : Chapters est incontestablement un bon jeu, qui malgré ses défauts restera dans la mémoire des joueurs. Un AA dont l’histoire aurait été mieux servie par un AAA… Des moyens un soupçon en deçà de ses ambitions, certes, mais une belle aventure malgré tout, et ça, ça ne se quantifie pas… Même si les fans de la première heure considèreront peut être que toutes leurs attentes ne sont pas comblées, après tant d’années de patience ! Dreamfall : Chapters honore ses prédécesseurs, tout en complétant la saga dignement. Un hybride qui s’est mis en risque avec succès, mais qui n’est pas à mettre non plus dans toutes les mains…

Article rédigé par Echap.

Si vous n'êtes pas séduit par ce genre de paysage et d'ambiance, je ne peux plus rien pour vous... Vos études de comptabilité vous ont trop gangréné le crane, ou peut être êtes-vous juste hermétique à la beauté... Et c'est votre droit, mais laissez-nous rêver !
Dreamfall : Chapters regorge de petits moments de grâce, comme celui-ci. A dos de ce… bestiau ? Contemplant l’horizon lumineux. Si ce n’est pas la définition de l’aventure, cela y ressemble !