L’Amerzone Le Testament de l’explorateur : redécouverte d’un chef-d’œuvre vidéoludique intemporel

Test et Avis L’Amerzone Le Testament de l’explorateur
Imaginez. Vous êtes journaliste. Un matin pluvieux, vous recevez une lettre d’un vieil explorateur mourant. Direction un phare isolé en Bretagne, un carnet griffonné, un secret enfoui dans une contrée oubliée… Bienvenue dans L’Amerzone : Le Testament de l’explorateur, jeu d’aventure culte sorti en 1999, œuvre fondatrice du dessinateur Benoît Sokal. Un jeu qui ne crie pas, ne clignote pas, ne déclenche pas de dopamine instantanée… mais qui hante.
Dans cet article, je vous propose un voyage. Pas juste dans le monde de l’Amerzone, mais dans ce qu’il nous dit sur le jeu vidéo d’hier, d’aujourd’hui… et de demain. Pourquoi ce point-and-click à l’ancienne fascine-t-il encore une génération de joueurs et de créateurs ? Est-il jouable aujourd’hui ? Et surtout : que ressent-on en y rejouant, vingt-cinq ans après ?
Un voyage immobile qui fait mouche : l’expérience Amerzone
On entre dans L’Amerzone comme on ouvre un vieux roman d’aventure. Pas de HUD, pas d’objectifs clairs, pas de tutorial qui hurle. Juste le silence, les goélands et le ressac. L’interface se fait discrète, presque absente : tout repose sur le clic, le regard, l’observation. Et ça fonctionne. Mieux que ça : ça transporte.
Le jeu vous met dans la peau d’un journaliste anonyme venu recueillir le témoignage d’Alexandre Valembois, ancien explorateur rongé par la culpabilité. Une dernière volonté : rapporter un œuf de grand oiseau blanc en Amerzone, une terre imaginaire inspirée de l’Amérique du Sud, déchirée entre nature luxuriante, dictature militaire et tribus oubliées.
C’est un jeu sans combats, sans inventaire complexe. On observe, on réfléchit, on manipule des objets, on lit des carnets. L’action est lente, mais jamais ennuyeuse. Le rythme contemplatif est un choix assumé, presque militant, à contre-courant des blockbusters actuels.
Visuellement daté, mais poétiquement intemporel
En 2025, difficile de ne pas remarquer les textures floues, les modèles 3D anguleux, les animations rigides. Et pourtant, L’Amerzone dégage une esthétique singulière. Chaque plan fixe est composé comme une case de bande dessinée. On reconnaît la patte de Sokal, entre Franquin et Moebius, dans ces décors luxuriants et ces engins steampunk improbables.
Le vrai tour de force visuel réside dans l’atmosphère que le jeu parvient à créer malgré ses limitations techniques. Lumières tamisées qui filtrent à travers une jungle brumeuse, sons d’ambiance discrets mais évocateurs — ruissellements, cris d’oiseaux lointains, moteurs fatigués —, tout est calibré pour éveiller l’imaginaire. Et puis il y a la musique, envoûtante, signée Didier Lockwood, qui ne se contente pas d’accompagner l’aventure : elle la guide, l’éclaire, la transcende parfois. Ce n’est pas le graphisme pur qui vous retient, mais l’univers qu’il évoque, cette sensation de traverser un rêve éveillé, entre poésie visuelle et mélancolie douce.
L’Amerzone, ou l’anti-jeu vidéo ?
Aucune barre de vie. Aucun scoring. Aucun game over. L’Amerzone ne veut pas vous opposer un challenge, mais vous faire ressentir quelque chose. C’est un ovni même en 1999, à l’époque de Half-Life, Resident Evil 3 ou Final Fantasy VIII. Ce n’est pas un jeu pour “gamer”, c’est une histoire interactive.
Cette approche narrative pure annonce ce que des titres comme Firewatch, Journey ou What Remains of Edith Finch feront bien plus tard. En ce sens, L’Amerzone était en avance sur son temps. Il propose une vision du médium comme vecteur d’émotion, pas seulement de divertissement ou de compétition.

Est-il encore pertinent d’y jouer en 2025 ?
Absolument. Pour peu qu’on accepte ses contraintes techniques, L’Amerzone est une parenthèse bienvenue dans un monde saturé de sur-stimulation. Il se joue en 4-6 heures, d’une traite, comme on lirait une nouvelle graphique. Le jeu est disponible sur Steam, GOG et même sur mobile.
Des fans ont travaillé sur des patches de compatibilité, et l’expérience reste fluide. On regrettera quelques bugs sonores, une interface un peu vieillotte… mais rien qui empêche de se laisser happer.
Et surtout, on découvre un monde. Celui de l’Amerzone, mais aussi celui de Benoît Sokal. Ce jeu est la première pierre de ce qui deviendra la saga Syberia. L’écriture est mature, les dialogues soignés, les choix artistiques forts. Il est touchant, tout simplement.
Les limites : un gameplay très figé, une liberté illusoire
Soyons honnêtes : L’Amerzone est un couloir. On clique, on avance, on résout une énigme, on regarde une cinématique. Les choix sont limités, la liberté d’action très restreinte. Pour les joueurs d’aujourd’hui habitués à l’open world, c’est presque claustrophobe.
Certaines énigmes manquent aussi de clarté. L’absence d’aide ou d’indications explicites peut frustrer, surtout sur les dernières zones. C’est un jeu qui demande de la patience, de l’observation… et un peu d’indulgence.
Mais ce qu’il perd en gameplay moderne, il le regagne en ambiance. L’Amerzone n’est pas l’histoire que vous contrôlez, c’est celle que vous découvrez.
Et demain ? L’Amerzone peut-il revenir ?
Avec la mode des remakes (Gothic, System Shock, Silent Hill 2), pourquoi ne pas rêver d’un remake de L’Amerzone ? La mort de Benoît Sokal en 2021 a ému la communauté. Et ses univers continuent d’inspirer. Le studio Microids explore toujours ses licences, et un remake n’est pas inconcevable.
Imaginez : une version Unreal Engine 5, avec voix retravaillées, nouveaux modèles 3D, mais la même ambiance. Le même tempo. Une vraie lettre d’amour à un classique du jeu d’auteur.
En attendant, il reste ce jeu d’origine. Ce vieux disque qu’on ressort, avec ses grincements et ses splendeurs intactes. Comme un journal de voyage qu’on relit, le regard un peu embué.

L'amerzone, les points forts
- Ambiance poétique et immersive
- Univers unique et richement imaginé
- Narration mature et bien écrite
- Direction artistique signée Benoît Sokal
- Musique envoûtante de Didier Lockwood
- Aucune violence, accessible à tous
- Rythme contemplatif rare et assumé
- Disponible sur plateformes modernes (PC, mobile)
Les points faibles pour L'Amerzone
- Graphismes très datés
- Gameplay rigide et linéaire
- Liberté d’action très limitée
- Quelques énigmes peu intuitives
- Interface vieillissante
- Pas de rejouabilité réelle
Conclusion : un jeu pour les nostalgiques, les curieux, les rêveurs
L’Amerzone, ce n’est pas juste un jeu. C’est un pont entre les médias, une aventure dessinée, racontée, ressentie. Il ne conviendra pas à tout le monde. Il déroutera les amateurs d’action, les pressés, les cartésiens.
Mais si vous aimez les jeux qui prennent leur temps, qui racontent sans asséner, qui laissent une place au silence, alors il vaut le coup. Pour découvrir une page du jeu vidéo européen. Pour entendre la voix d’un auteur.
Et peut-être, pour embarquer une dernière fois vers l’Amerzone, au fond de cet Hydrafel rouillé, à la poursuite de l’oiseau blanc.
Et vous, vous vous souvenez de votre premier jeu d’aventure ? Partagez vos souvenirs et vos recommandations ou envoyez-nous vos captures d’écran les plus poétiques sur les réseaux. L’Amerzone n’a pas fini de faire rêver.