The Alto Knights : le duel des Robert dans un opéra sanglant de la pègre
Dès les premiers plans, The Alto Knights impose son style. Une voiture glisse dans les rues de Little Italy, les pavés luisants sous une pluie qui semble éternelle. Une voix grave, feutrée, commence à raconter. Ce n’est pas simplement une histoire de mafia. C’est une histoire de deux hommes, deux frères d’armes (ou presque), qui ont façonné une époque à coups de deals, de trahisons, de silences pesants. Et cette voix, ce regard, ce charisme ? C’est Robert De Niro. Deux fois.
Une œuvre bicéphale : l’ambition de raconter deux trajectoires
Réalisé par Barry Levinson (Rain Man, Sleepers), The Alto Knights s’inscrit dans la lignée des fresques mafieuses classiques, mais avec une audace narrative rare : Robert De Niro y incarne à la fois Vito Genovese et Frank Costello, deux figures emblématiques du crime organisé new-yorkais des années 50 et 60. Un casting audacieux, une idée de mise en scène périlleuse… mais qui fonctionne, et même brillamment.
Le film alterne entre deux styles. Du côté de Genovese, la caméra est nerveuse, souvent à l’épaule, proche des visages. L’ambiance est tendue, électrique, imprévisible. De l’autre, avec Costello, tout est feutré, cadré, presque classique. Les décors sont somptueux, les dialogues millimétrés. Deux ambiances, deux philosophies. Deux De Niro, chacun dans une partition maîtrisée, qui se répondent dans un miroir tragique.
Une mise en scène qui convoque les fantômes du passé
Levinson n’a plus rien à prouver, et ça se sent. Il prend son temps, construit chaque scène avec une précision quasi-musicale. La photographie signée Dante Spinotti (L.A. Confidential) baigne le film dans des tons sépia et brunâtres qui évoquent les vieilles pellicules Kodak et les archives du FBI. On pense à The Irishman, bien sûr, mais aussi aux grands classiques comme « The Godfather Part II » ou « Once Upon a Time in America ».
Le montage, parfois non-linéaire, joue avec le temps et les souvenirs. Certains passages s’enchaînent comme des souvenirs flous, d’autres éclatent dans une violence sèche, brutale, presque documentaire. Levinson ne cherche pas l’esthétique gratuite : chaque fusillade, chaque face-à-face a un poids, une conséquence.
Robert De Niro face à lui-même : un tour de force
De Niro livre ici l’une de ses prestations les plus habitées depuis une décennie. Certes, le recours au rajeunissement numérique (de-aging) est toujours un sujet délicat (on y reviendra dans le test Blu-ray) mais sa présence, sa gestuelle, ses silences sont d’une justesse confondante. Il parvient à différencier subtilement les deux hommes : Genovese est impulsif, presque animal ; Costello, cérébral, diplomate, presque fatigué par la guerre qu’il pressent.
Autour de lui, une distribution solide. Katherine Waterston campe une épouse déchirée mais digne. Bobby Cannavale, en homme de main loyal mais déchiré entre deux fidélités, marque les esprits. Et Ray Romano (oui, lui), surprend dans un rôle sérieux et discret, presque désenchanté. Une galerie de visages usés, rongés par l’époque.
Un récit dense, parfois aride, mais toujours captivant
On ne va pas se mentir : The Alto Knights n’est pas un film facile. Pas de punchlines à la Goodfellas, pas de narration en voix-off clinquante, pas d’excès visuels. C’est une œuvre sérieuse, lente, parfois exigeante. Mais c’est aussi ce qui en fait sa force. On y sent la volonté de raconter l’histoire, non pas d’un homme, mais d’un système. D’une époque révolue, d’un pouvoir invisible qui se joue dans les coulisses, les clubs enfumés, les regards échangés sans un mot.
Certains spectateurs pourront décrocher devant la densité des dialogues ou la multiplication des personnages secondaires. Mais ceux qui accepteront de s’immerger dans ce labyrinthe en ressortiront enrichis, marqués, peut-être même émus par cette élégie d’un monde disparu.
Un Blu-ray à la hauteur de l’ambition du film ?
Le disque édité par Warner Bros fait honneur au matériau de base. La définition 1080p est impeccable, avec un respect total des choix esthétiques du directeur photo. Les contrastes sont profonds, les noirs intenses sans être bouchés, et les teintes rétro conservent toute leur richesse. Certains gros plans sur De Niro sont presque troublants de précision, révélant chaque ride, chaque micro-expression. Et si le de-aging numérique est parfois visible, il reste bien mieux intégré que dans The Irishman.
Le mixage audio en DTS-HD Master Audio 5.1, sobre mais efficace, met l’accent sur les dialogues, clairs et parfaitement centrés. Les ambiances sonores (rues de New York, bruits de club, coups de feu isolés) sont bien spatialisées. Les amateurs de VO apprécieront la richesse vocale des acteurs, tandis que la VF reste globalement convaincante malgré un léger manque de nuances sur certains dialogues secondaires.
Les bonus : une promesse non tenue sur l’édition française
Surprise (et déception) à l’insertion du disque : le menu du Blu-ray français ne propose aucun bonus. Pas de featurette, pas de scènes coupées, pas même de bande-annonce. Pourtant, l’édition américaine annonçait une présentation exclusive sur le double rôle de De Niro, intitulée “De Niro × 2”, ainsi que quelques scènes additionnelles.
Reste à savoir si ces contenus seront accessibles dans une future édition collector, ou réservés à la VOD premium. En l’état, l’édition française se contente du film seul, dans une copie technique de grande qualité, certes, mais sans le moindre supplément éditorial.
FAQ : À propos de The Alto Knights
The Alto Knights est-il basé sur une histoire vraie ?
Oui, le film s’inspire des figures historiques Frank Costello et Vito Genovese, deux mafieux italo-américains ayant réellement existé et influencé la pègre new-yorkaise au milieu du XXe siècle.
Robert De Niro joue-t-il vraiment deux personnages différents ?
Absolument. De Niro incarne deux rôles distincts : Vito Genovese et Frank Costello. Le film repose en grande partie sur cette dualité et l’opposition entre les deux hommes.
Le Blu-ray de The Alto Knights propose-t-il une version 4K ?
Pas encore. À ce jour, seule une édition Blu-ray 1080p est disponible en France. Une sortie UHD 4K pourrait être envisagée aux États-Unis prochainement.
Conclusion : un film crépusculaire, un Blu-ray digne de ce nom
The Alto Knights ne cherche pas à séduire par des effets de manche. Il impose son rythme, sa densité, son ambiance. Il convoque les grands mythes du cinéma de mafia tout en leur offrant un dernier souffle, un chant du cygne porté par un De Niro au sommet de son art. Le Blu-ray, solide techniquement et enrichi de bonus intéressants, vient parachever l’expérience avec élégance.
Notre note finale : 87 % — Un double De Niro hypnotique pour un chant du cygne mafieux
Un film à la fois intime et historique, porté par une mise en scène sobre et deux interprétations magistrales de De Niro. Le Blu-ray s’impose comme le support idéal pour (re)découvrir ce duel de légendes.
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