Plongée dans Detroit : retour d’expérience d’un flic augmenté
Il y a des jeux qu’on lance avec une certaine appréhension. Pas parce qu’ils nous font peur, mais parce qu’ils ravivent une sensation rare : celle de replonger dans une ambiance qu’on pensait oubliée. Quand Unfinished Business s’est chargé sur mon écran, j’ai senti ce mélange d’excitation et de méfiance. Après tout, les standalones “additifs” sont souvent de simples prétextes à vendre un peu plus de contenu recyclé. Mais là, dès les premières secondes, tout était clair : RoboCop est de retour. Et Detroit n’a jamais été aussi mal en point.
Ce n’est pas un DLC. Ce n’est pas une extension. C’est une nouvelle mission. Un standalone à part entière qui, s’il s’appuie sur les fondations solides de Rogue City, nous propose une affaire inédite, plus sombre, plus intime, et surtout plus radicale. Le titre reprend les codes qui ont fait le charme du jeu de base, les muscle légèrement, et nous balance tête la première dans une enquête explosive où la justice n’a plus rien de théorique.
En tant que joueur, mais surtout en tant que vieux fan de l’univers RoboCop (et de ses relents cyberpunk sales et poisseux), j’étais curieux. Et j’ai été servi. Unfinished Business, c’est le baroud d’honneur d’un homme-machine qui en a trop vu. Et s’il a encore une dernière balle à tirer, ce sera pour la vérité.
Un standalone vraiment autonome ?
Avant toute chose, remettons les pendules à l’heure : oui, Unfinished Business est un standalone complet. Il ne nécessite pas de posséder ou de finir le jeu original RoboCop: Rogue City. Le studio Teyon a même pris le soin d’intégrer une séquence d’introduction résumant les événements clés du jeu principal, afin de ne perdre aucun joueur en route. On y comprend que Murphy a survécu à la précédente conspiration, que Detroit ne s’est pas améliorée, et que les responsables de sa corruption courent toujours.
On enfile donc l’armure sans préambule, et l’histoire démarre sur les chapeaux de roues : une explosion dans un quartier désaffecté, une fusillade entre milices privées et gangs de rue, et une pression politique qui s’intensifie autour du programme de remplacement de la police humaine par des drones. Ce contexte dystopique, dans lequel Murphy est à la fois acteur et vestige, sert de terreau narratif à une intrigue resserrée, mais particulièrement dense.
Gameplay : plus percutant, mieux rythmé
Le cœur du jeu reste fidèle à Rogue City. On évolue en vue subjective dans un Detroit en ruine, on remplit des objectifs de patrouille, on scanne les environs pour identifier les menaces, on aborde des suspects, on choisit de tirer ou non. Mais là où le premier jeu laissait parfois place à des longueurs ou des errances narratives, Unfinished Business resserre la vis. Tout est plus intense. Moins de temps mort, plus de décisions à prendre, des missions qui s’enchaînent avec une efficacité redoutable.
Le feeling des armes est toujours aussi lourd, mais Teyon a visiblement écouté les retours de la communauté : les impacts sont mieux gérés, les animations plus fluides, et certaines mécaniques ont été allégées. RoboCop bouge toujours comme un tank, mais il se repositionne mieux. Son pistolet Auto-9 reste une extension naturelle de son bras, et les nouvelles armes ajoutées dans ce standalone (fusil à plasma, canon à impulsion, etc.) viennent pimenter l’action sans déséquilibrer le gameplay.
Mais ce qui m’a frappé, c’est l’amélioration du level design. Les zones de combat sont plus lisibles, mieux découpées. On passe d’un parking souterrain oppressant à un complexe résidentiel en ruine, puis à un vieux studio télé reconverti en QG de résistance. Chaque environnement raconte une histoire. Chaque recoin peut abriter un civil, une embuscade ou un indice crucial. Et ce sens du détail renforce l’immersion d’une manière rarement vue dans un FPS “AA”.

Des choix, des conséquences, une morale grise
Au-delà de la castagne, RoboCop reste avant tout un jeu de dualité morale. Et Unfinished Business pousse ce dilemme encore plus loin. On vous demandera constamment de choisir entre la procédure et l’instinct. Entre le devoir envers la loi et la protection des innocents. Un interrogatoire qui dérape peut se solder par une bavure. Une intervention trop violente peut briser la confiance des civils. Une inaction peut coûter des vies.
Et si certaines décisions semblent anodines sur le moment, elles reviennent vous hanter plus tard. Lors d’une mission, j’ai choisi de libérer un informateur sans prévenir mes supérieurs. Trois missions plus tard, ce même individu me tendait un piège, entraînant la mort d’un collègue. Tout ça parce que j’avais agi “humainement” sur le moment. Ce genre de ramifications narratives, même si elles restent contenues, montrent que Teyon n’a pas cherché la facilité.
La relation de RoboCop avec ses souvenirs d’Alex Murphy prend aussi une place plus centrale. Par flashs visuels ou dialogues introspectifs, le jeu nous rappelle que sous la carapace en titane, il reste un homme brisé, hanté par ses erreurs et ses pertes. On ne sauve pas Detroit impunément. Et c’est cette mélancolie rampante, cette lassitude profonde, qui donne au jeu sa puissance émotionnelle.
Technique : une maîtrise en demi-teinte
Graphiquement, le moteur de Unfinished Business n’a pas fondamentalement changé depuis Rogue City. Les textures sont solides sans être révolutionnaires, les éclairages soignés, les effets de particules efficaces. Le rendu général conserve cet aspect “film des années 80” un peu granuleux, légèrement désaturé, qui colle parfaitement à l’esthétique de RoboCop. Les visages sont expressifs, surtout ceux des personnages clés, et les animations de dialogue sont bien plus naturelles que dans le jeu de base.
Côté bugs, rien de bloquant, mais on relève encore quelques accrocs : collisions étranges, PNJ qui traversent une porte fermée, scripts qui tardent à se déclencher. Rien qui casse le jeu, mais qui rappelle qu’on est sur une production à budget contenu. Cela dit, l’ensemble tourne correctement sur PS5 et Xbox Series, avec un framerate stable en mode performance, ce qui est déjà un progrès par rapport aux débuts un peu chaotiques du premier opus.
Sound design et doublages : l’atmosphère avant tout
Impossible de parler de RoboCop sans évoquer son univers sonore. Et là-dessus, Unfinished Business fait très fort. Les bruits métalliques des déplacements, le cliquetis du pistolet, les radios grésillantes, les alarmes hurlantes… tout concourt à créer une ambiance immersive, dense, presque oppressante. On se sent constamment épié, surveillé, comme dans une ville sous tension qui pourrait basculer à tout instant.
La bande originale, discrète mais parfaitement dosée, mêle nappes synthétiques et rythmes industriels avec justesse. Elle évoque à la fois la nostalgie du RoboCop originel et l’urgence d’un monde en train de sombrer. Les doublages, eux, sont excellents. Peter Weller reprend son rôle avec un flegme glaçant, et la VF, sans être parfaite, tient très bien la route. Certains personnages secondaires sont particulièrement bien interprétés, notamment le capitaine Moreno, une recrue qui joue un rôle pivot dans l’intrigue.
Contenu et durée de vie : dense et maîtrisé
En tant que standalone vendu à un prix accessible (moins de 20 euros), Unfinished Business propose un contenu très honnête. Il vous faudra environ 6 à 8 heures pour en voir le bout si vous prenez le temps d’explorer, de résoudre les missions secondaires, et de faire quelques choix différents. Ce n’est pas un monde ouvert, mais une succession d’environnements semi-ouverts reliés par des hubs narratifs, comme dans le jeu de base.
On y trouve aussi plusieurs nouvelles mécaniques légères mais appréciables : une interface de gestion des choix précédents, un système de journal de mission plus clair, et quelques options de personnalisation sur les compétences (scanner amélioré, renforcement de blindage, ralentissement amélioré). Ces ajouts donnent un petit plus de profondeur sans transformer la formule initiale.
Quant à la rejouabilité, elle repose sur les embranchements narratifs. Certains choix majeurs ont un impact réel sur l’issue de la mission finale. De quoi justifier une seconde partie pour explorer d’autres pistes, même si l’histoire reste globalement linéaire. On est loin du bac à sable ou de la formule rogue-like. Ici, chaque minute est écrite, scénarisée, pensée pour construire une tension dramatique. Et ça fonctionne.
Un RoboCop plus humain que jamais
Ce qui frappe dans Unfinished Business, ce n’est pas seulement sa nervosité ou sa fidélité au matériau original. C’est sa manière de redonner une voix à RoboCop. Une voix brisée, fatiguée, mais encore vibrante. On sent que les développeurs ont voulu faire plus qu’un simple jeu d’action : ils ont cherché à interroger ce que signifie être humain, ce que représente le devoir dans un monde où la loi ne suffit plus.
Les monologues de Murphy, les flashs de sa vie passée, les regards silencieux échangés avec des civils traumatisés… Tout cela construit une figure de RoboCop plus nuancée, presque mélancolique. À plusieurs reprises, j’ai ressenti une forme de compassion pour ce personnage, coincé entre son algorithme et ses souvenirs. Ce n’est plus un exécuteur. C’est un survivant. Et cette évolution psychologique donne tout son poids à l’histoire.
Thématiques : entre chaos urbain et dérives technologiques
Ce standalone ne se contente pas d’être fun à jouer. Il questionne, à sa manière, notre rapport à la sécurité, à la surveillance, et à l’automatisation. Le conflit central, entre maintien de l’ordre humain et déploiement de drones autonomes, fait écho à des débats très actuels. Et RoboCop, en tant qu’entité hybride, incarne ce tiraillement : il est l’héritier d’un monde ancien, mais aussi le produit d’une dérive moderne.
Le jeu n’impose pas de morale. Il met le joueur face à des situations complexes, où chaque option semble imparfaite. On peut choisir d’abattre un criminel, ou tenter de le convaincre. On peut enquêter en respectant les procédures, ou faire confiance à son instinct. Chaque décision a ses conséquences, et c’est cette liberté (guidée mais réelle) qui donne tant de saveur à l’expérience.
Le joueur au cœur de l’histoire
Ce qui distingue Unfinished Business de tant d’autres jeux sous licence, c’est sa capacité à nous faire exister dans son monde. On ne subit pas les événements. On les façonne. Certes, le canevas est écrit, les grandes lignes sont figées, mais entre chaque scène d’action se glissent des moments de respiration où l’on observe, écoute, choisit. On incarne RoboCop bien au-delà du combat. On devient Alex Murphy, et l’on porte avec lui le poids de chaque décision prise.
Il y a, dans ce jeu, une sincérité rare. Pas de cynisme, pas d’exploitation de licence sans âme. Juste une vraie envie de raconter quelque chose. De conclure une histoire. De rendre hommage à un personnage devenu mythe. Et ce respect transpire dans chaque ligne de dialogue, chaque plan de caméra, chaque musique lancinante qui accompagne nos pas dans les ruelles de Detroit.
Notre verdict
Unfinished Business : le dernier combat de RoboCop, entre chair et acier
Note finale : 88 %
Sans révolutionner sa formule, Unfinished Business approfondit brillamment l’univers de RoboCop. Techniquement solide, narrativement ambitieux, il clôt avec respect une vision de Detroit rongée par la corruption. Une réussite qui prouve qu’un bon jeu sous licence peut mêler action, réflexion et émotion.
FAQ – RoboCop: Unfinished Business
Le jeu est-il un DLC de RoboCop: Rogue City ?
Non. Unfinished Business est un standalone complet. Il peut être acheté et joué indépendamment du jeu original. Faut-il avoir terminé le jeu principal pour comprendre ce standalone ?
Ce n’est pas nécessaire. Le jeu propose un résumé introductif et une histoire autonome, même si les fans du premier épisode saisiront davantage de références. Quelle est la durée de vie du jeu ?
Comptez environ 6 à 8 heures pour terminer l’aventure en prenant le temps de fouiller et d’explorer les embranchements narratifs. Le jeu est-il doublé en français ?
Oui, le jeu propose une version française intégrale. La VO reste cependant disponible, avec Peter Weller dans le rôle de RoboCop. Est-ce que mes choix ont un impact ?
Oui. Certaines décisions modifient le déroulé de la mission finale, la confiance des alliés et les réactions de certains personnages secondaires.
Pour aller plus loin sur EssentielActu
👉 Lire notre test du jeu de base RoboCop: Rogue City
👉 Notre article dédié sur le fait que ce standalone ne nécessite pas le jeu principal